Un poids économique important, une bonne stabilité politique, un système financier et bancaire robuste… Les pays ou zones monétaires ayant une devise forte partagent un certain nombre de caractéristiques communes.
Quelles sont les devises les plus recherchées au monde ? D’où tirent-elles leur force ? Et quelles sont les conséquences de leur appréciation pour les acteurs de l’économie ? Découvrez notre classement des monnaies les plus puissantes de la planète.
#1 Le dollar américain (USD)
Le dollar américain est la monnaie la plus forte du monde.
Selon le FMI, 59,3% des réserves mondiales en devises étrangères sont libellées en dollars américains.
Mais en a-t-il toujours été ainsi ?
Entre les années 40 et les années 70, le dollar américain constituait l’étalon autour duquel les cours des principales devises mondiales fluctuaient ; un statut renforcé par les Accords de Bretton Woods de 1944 et la prépondérance du dollar comme devise de référence grâce à sa convertibilité en or.
Conformément au régime de change fixe dérivant de ces accords, 44 pays ont alors établi un taux de change fixe autour du dollar, avec une certaine marge de fluctuation autorisée.
Cependant, les tumultes économiques des années 70 ont obligé les États-Unis à dévaluer leur monnaie. La convertibilité du dollar en or n’était plus justifiée, et le régime de taux de change flottant (ou flexible) s’est alors généralisé.
Aujourd’hui, les devises mondiales évoluent librement au gré des mouvements du marché et ne sont plus reliées au dollar (à de rares exceptions près). Cependant, le dollar reste la monnaie la plus importante du monde, en raison notamment de l'importance de l'économie et des marchés financiers américains.
Malgré un déficit budgétaire considérable de 1357 milliards de dollars en 2022 et une dette extérieure importante, le monde financier et bancaire croit en la capacité des États-Unis à régler leurs créances ; de quoi faire du billet vert une valeur refuge.
Le saviez-vous ? Piloté par la Federal Reserve (Fed), le dollar est aussi la monnaie de référence du marché mondial des produits de base, en raison de sa stabilité comme instrument d’échange. Lorsque la valeur du dollar baisse, le coût en dollars des produits de base augmente et celui en devises étrangères diminue. Les produits de base sont donc généralement moins chers quand le dollar est faible, et plus chers quand le dollar est fort. |
#2 L'euro (EUR)
L’euro est la deuxième monnaie la plus forte du monde.
Selon le FMI, l’euro représente 19,77% des réserves mondiales en devises étrangères.
Introduite en 1999, la monnaie unique est entrée en circulation dans 12 pays européens à partir de 2002. Les pays qui ont adopté l'euro font partie d'une zone monétaire communément appelée zone euro. Si l'euro a depuis été adopté par 19 pays européens au total, l'Europe centrale compte encore des pays qui utilisent encore leur propre monnaie.
Ambition de longue date de la Communauté économique européenne (CEE), l’union monétaire a enfin commencé à prendre de l’ampleur au sommet de Bruxelles en 1978. Le système monétaire européen (SME) et le mécanisme de taux de change (ERM) ont alors été mis en place.
Ce dernier prévoyait des taux de change fixes, mais ajustables, appliqués à l’ensemble des devises nationales du bloc. Dès 1985, au lancement du programme du marché unique, le projet d’harmonisation s’est accéléré.
Après la signature du traité de Maastricht en 1992, le processus d’Union économique et monétaire (UEM) s’est enclenché :
- 1991-1993 : Autorisation progressive de la libre circulation des capitaux
- 1993-1998 : Convergence graduelle des politiques économiques des pays du bloc
- 1999-2002 : Mise en place de strictes règles budgétaires et élaboration d’une politique monétaire commune
Depuis la mise en circulation de l’euro en 2002, la Banque centrale européenne (BCE) est responsable de son émission. Seule banque centrale au monde responsable de la politique monétaire de plusieurs pays, la BCE est une institution unique. Elle est garante de la valeur de l’euro comme devise et de la stabilité des prix en zone euro.
Si la monnaie unique, contrairement au dollar américain, n’est pas encore considérée comme une valeur refuge, elle en présente plusieurs caractéristiques :
- La dette de l’ensemble des pays de la zone euro s’élevait à 95,6% du PIB de la région début 2022, un chiffre plus faible qu’aux États-Unis ou au Japon.
- La zone euro a tendance à maintenir un excédent de sa balance courante (35,36% des paiements internationaux dans le monde impliquent l’euro).
Cependant, des conditions politiques parfois perçues comme instables font que l’euro n’est pas considéré comme une valeur refuge. En temps de crise, elles ne rassurent pas les acteurs du marché.
Les divergences politiques et les défaillances structurelles de certains membres de cette zone monétaire suscitent parfois des craintes quant à la force et à la stabilité de la monnaie. Un rapprochement politique des pays membres pourrait consolider l’euro et l’élever au rang de valeur refuge, mais ceci est loin d’être acquis, car les modèles économiques présents à travers le bloc divergent considérablement.
Le saviez-vous ? Au sommet européen de La Haye en 1968, le projet d’union monétaire au sein de la CEE a déjà été abordé, mais ces discussions n’ont pas abouti. Les crises économiques des années 70, caractérisées par des dévaluations en série et la fin du régime de change fixe, ont rendu impossible le projet d’une monnaie commune. |
#3 Le yen japonais (JPY)
Le yen est la troisième devise la plus négociée sur le marché des changes.
Selon le FMI, le yen japonais représente 5,18% des réserves mondiales en devises étrangères.
Le yen est considéré comme une valeur refuge au même titre que le dollar. Bien que le pays soit aux prises avec un certain nombre de difficultés économiques depuis les années 1990, le Japon est resté la troisième économie mondiale en termes de PIB en 2021, et reste l'un des plus grands exportateurs au monde.
Si le Japon est connu pour sa population vieillissante, la devise du pays est relativement jeune, en circulation depuis 1871 seulement. Avant cette période, le Japon ne disposait pas d’une monnaie unique pour l’ensemble du territoire. Impulsée par le gouvernement de l’empereur Meiji, la mise en circulation d’une devise nationale s’inscrivait dans un rapide processus d’industrialisation du pays au XIXe siècle.
L’absence d’un système bancaire comparable à celui des pays occidentaux limitait la puissance économique du Japon sur le plan international ; la Banque du Japon (BoJ) a donc été fondée en 1882 pour mener la politique monétaire du pays.
Si le Japon bénéficie d’un poids économique considérable et d’une stabilité politique certaine, son économie ne s’est pas montrée spécialement dynamique depuis les années 90.
Depuis l’éclatement de la bulle immobilière et la crise financière qui en a résulté, le pays est marqué par :
- une croissance relativement faible
- un problème de déflation récurrent
- une dette publique très élevée (250% du PIB, la plus importante au monde)
Ceci ne semble pourtant pas inquiéter les acteurs du marché des changes et le yen conserve son statut de valeur refuge.
La perception favorable dont le yen bénéficie est notamment due à deux facteurs de taille :
- Les importants excédents commerciaux du Japon, pays spécialisé dans de nombreux exports à forte valeur ajoutée (dont l’automobile et les nouvelles technologies).
- Le Japon est la troisième économie mondiale en matière de PIB, derrière les États-Unis et la Chine.
Le saviez-vous ? Le Japon est le pays développé affichant le taux de natalité le plus faible au monde, avec un taux de fécondité de 1,3. Au rythme actuel, le pourcentage de la population ayant plus de 65 ans passera de 26% aujourd’hui à 45% en 2050. Le rétrécissement de l’assiette fiscale et l’explosion des coûts liés à l’aide sociale qui en résulteraient pourraient s’avérer très graves pour l’économie japonaise. |
#4 La livre sterling (GBP)
La livre sterling est la quatrième devise la plus négociée sur le marché des changes.
Selon le FMI, la livre sterling représente 4,88% des réserves mondiales en devises étrangères.
Le rôle important de la devise britannique sur la scène mondiale est en partie dû au statut de plaque tournante des échanges financiers de la capitale (Londres) et à sa longue histoire de leadership mondial.
Bien que le Royaume-Uni n'ait pas adopté l'euro et ait choisi de conserver sa propre monnaie, des parallèles peuvent être établis entre les deux monnaies :
- L'Union européenne est le principal partenaire commercial du Royaume-Uni.
- La livre et l'euro fluctuent l'un par rapport à l'autre et ont tendance à rester dans une fourchette étroite bien que le Brexit ait récemment été un facteur clé influençant la volatilité de la monnaie et sa valeur par rapport aux autres devises majeures.
La livre sterling est populaire parmi les cambistes pour plusieurs raisons :
- Les principaux secteurs contribuant à l'économie britannique sont le secteur des services et les industries aérospatiale, pharmaceutique et automobile, le secteur des services. L'industrie des services financiers représente la plus grande industrie exportatrice, le plus grand secteur contributif et l'un des plus grands employeurs du pays.
- Londres compte parmi les centres commerciaux les plus importants et les plus actifs du monde ; un facteur qui contribue au montant élevé des échanges dans cette monnaie. Cependant, depuis le Brexit, l'importance de la livre dans les exportations britanniques a diminué au profit du dollar, ce qui a eu un impact direct sur la compétitivité des exportateurs britanniques.
Le saviez-vous ? Les pièces sont dotées du profil du monarque au pouvoir. La direction du visage du monarque alterne avec chaque monarque successif, une tradition qui a débuté au XVIIe siècle. L'abdication d'Édouard VIII est la seule fois où le schéma a été rompu. Les pièces frappées lorsqu'il est monté sur le trône présentaient son profil gauche, car il pensait que son côté gauche était meilleur que son côté droit. Cependant, elles n'ont pas été mises en circulation avant son abdication, moins d'un an après son accession au trône. Son frère George VI décida de faire également figurer son profil gauche sur les pièces lorsqu'il prit le pouvoir, et non à droite comme l’aurait voulu la tradition. |
#5 Le renminbi chinois (RMB)
Le renminbi chinois ou yuan est la cinquième devise la plus négociée sur le marché des changes.
Selon le FMI, le renminbi représente 2,88% des réserves mondiales en devises étrangères.
Deuxième puissance économique mondiale avec 17 734 milliards de dollars de PIB en 2021, la Chine voit la force de sa monnaie se renforcer depuis 2004 face à l’euro.
Accusée par le gouvernement Trump de manipuler sa devise afin de la rendre plus compétitive, la Chine et sa banque centrale, la Banque populaire de Chine, gardent un œil attentif sur la force du Yuan afin d’éviter que son renchérissement ne pénalise trop fortement ses exportations.
Le saviez-vous ? Alors que certains voyaient l’économie chinoise détrôner l’économie américaine au rang de première puissance mondiale au cours de la prochaine décennie, les analystes sont aujourd’hui bien plus prudents sur leurs projections, avec un horizon reporté à 2060 si tel devait être le cas ! |
#6 Le dollar canadien (CAD)
Le dollar canadien est la sixième devise la plus négociée sur le marché des changes.
Selon le FMI, le dollar canadien représente 2,49% des réserves mondiales en devises étrangères.
L'économie du Canada dépend fortement de ses exportations de produits de base, en particulier l'énergie et les ressources naturelles telles que le bois, le pétrole et le gaz.
Par conséquent, sa monnaie est considérée comme une monnaie basée sur les matières premières. Bien que les ressources en matières premières aient tendance à être plus répandues dans les pays en développement, le Canada et d'autres pays plus développés comme la Norvège font exception.
Le fait d'avoir une monnaie liée aux matières premières a des effets positifs et négatifs :
- La demande pour les produits de base d'un pays renforce naturellement la valeur de la monnaie nationale et contribue également à augmenter le PIB du pays. Les exportations liées à la forte demande extérieure entraînent toutefois une hausse des prix et un risque d'inflation subséquent.
- Inversement, une baisse de la demande peut entraîner une déflation et une diminution du PIB du pays.
En raison de sa proximité avec les États-Unis, la monnaie canadienne est fortement influencée par la monnaie de son voisin, et la dépendance du pays à l'égard de l'état de l'économie américaine est importante
Le saviez-vous ? Le Canada et sa monnaie basée sur les matières premières sont particulièrement vulnérables au « syndrome hollandais ». Inventé dans les années 1970 pour décrire la chute du secteur manufacturier néerlandais au détriment de la découverte d'un gisement de gaz, ce terme décrit la relation de cause à effet entre l'augmentation des revenus d'un secteur donné et son impact négatif sur les autres secteurs de la nation. Lorsqu'un secteur se développe et génère de la demande, la valeur de la monnaie augmente, ce qui a pour effet de rendre les autres exportations du pays plus chères et moins compétitives. Le lien étroit de la monnaie canadienne avec les produits de base la rend particulièrement vulnérable au syndrome hollandais |
Les 7 paires de devises majeures
Les paires de devises majeures correspondent aux paires de devises les plus négociées sur le marché des changes.
Elles sont au nombre de 7 et comptent :
- EUR/USD
- USD/JPY
- GBP/USD
- USD/CHF
- AUD/USD
- USD/CAD
- NZD/USD
D’autres paires de devises moins échangées telles que EUR/GBP sont quant à elles qualifiées de paires de devises mineures. D’autres enfin, telles que EUR/TRY, sont qualifiées de paires de devises exotiques.
Afin de préserver les marges de leur entreprise, les directions financières définissent généralement des stratégies afin de se protéger contre le risque de change.
D’où vient la force d’une devise ?
L'importance d'une monnaie sur le marché des changes dépend de nombreux facteurs, allant de la force économique d'un pays ou d'une zone monétaire à sa stabilité politique.
Au-delà de ces facteurs, il existe également un certain nombre d'indicateurs économiques au sein d'un pays qui contribuent à déterminer l'importance d'une devise sur le marché des changes.
L’économie américaine est la plus puissante au monde et le dollar, de loin la monnaie de réserve la plus importante à l’international, est considéré comme une valeur refuge.
De son côté, malgré sa puissance économique certaine et un excédent régulier de sa balance courante, la zone euro est parfois affaiblie par des incertitudes politiques, et les défaillances de certains pays membres inquiètent en période de crise.
Si ces devises sont les plus importantes et les plus échangées sur le marché des changes, le monde du FOREX évolue constamment. Des monnaies autrefois ignorées, notamment en Asie, commencent à monter en puissance et à attirer le regard des acteurs du marché des devises.
Quelles sont les conséquences d’une monnaie forte pour l’économie ?
La force d’une monnaie présente un avantage à l’heure d’importer des biens ou services achetés en devises étrangères. Elle bénéficie donc aux entreprises importatrices.
Mais avoir une monnaie forte n’offre pas que des avantages ! Une monnaie forte représente aussi un handicap pour les entreprises exportatrices (dont les produits ou services manqueront de compétitivité à l’étranger).
Réévaluation monétaire et dévaluation monétaire ont donc chacune leurs avantages et inconvénients pour l’économie et ses acteurs.
Faute d’avoir une monnaie mondiale unique, la compétition entre devises est à l’origine d’une volatilité parfois forte sur le marché des changes et de frais élevés. Pour payer et être payées en devises dans les meilleures conditions, les entreprises impliquées dans des transactions internationales optent généralement pour l’ouverture d’un compte en devises.
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