L’évolution de la paire EUR/ILS (euro/shekel) doit être appréhendée en termes de cycle. Depuis 2007, lorsque la paire avait atteint un point haut historique à 5,95 juste avant que n’éclate la crise financière mondiale, l’EUR/ILS est entré dans un cycle baissier de long terme. Les déboires européens – crise bancaire, effondrement de la Grèce à partir de 2010 et crise de la dette souveraine en 2012 – ont accentué ce mouvement.
Depuis son point haut, l’euro s’est déprécié de près de 34 % face au shekel israélien. Sur l’année 2019, la baisse est de 15 %. Depuis le début de l’année, on observe une consolidation de la paire qui s’explique en grande partie par les interventions répétées et massives sur les changes de la banque centrale israélienne pour limiter l’appréciation de l’ILS. Selon les données à notre disposition, le rythme d’intervention est inédit depuis 10 ans, avec plus de 10 milliards de dollars dépensés au cours des derniers mois. Ajoutons à cela la réaction initiale du marché des changes au déclenchement de la pandémie qui fut dans un premier temps favorable à l’euro, avec un bond de la paire à un point haut annuel de 4,19 mi-mars.
La banque centrale israélienne a également étoffé le panel de mesures pour faire face à la crise. Elle a dans un premier temps abaissé son taux directeur principal à un point bas historique de 0,1 % et a fourni massivement de la liquidité aux marchés financiers afin qu’ils continuent de financer l’économie réelle. Dans ce cadre, elle a pris plusieurs mesures visant à éviter une hausse des taux d’intérêt en fournissant des prêts aux banques et en procédant à des opérations de repo (prêt de liquidités contre le dépôt en nantissement de titres) et de swap (obtention de liquidités dans d’autres devises, comme le dollar ou l’euro auprès d’autres banques centrales).
La principale innovation depuis le début de la crise est le déclenchement par la banque centrale d’un programme de rachats d’actifs (aussi appelé QE, pour quantitative easing). Alors que ce type de mesure non conventionnelle était jusqu’à présent uniquement mis en oeuvre par les économies développées, une douzaine de pays émergents, dont Israël, la Pologne et le Chili par exemple, ont adopté le QE pour garantir des conditions d’emprunt satisfaisantes aux Etats. A ce stade, le programme de la Banque d’Israël dispose d’une enveloppe totale de 50 milliards de shekels (soit environ 13 milliards d’euros) dont 20 milliards ont déjà été dépensés.
L’Histoire récente nous enseigne qu’une fois qu’un pays est entré dans la phase de QE, il est très difficile d’en sortir. Compte tenu des pertes économiques liées au coronavirus et la dégradation des perspectives d’inflation, le programme de QE israélien a de fortes chances d’être renforcé dans les mois à venir et de perdurer au-delà de 2020. Étant donné que la banque centrale souhaite laisser son taux directeur principal inchangé, et qu’elle n’envisage pas pour le moment la mise en place de taux négatifs du fait des effets nuisibles sur la rentabilité du secteur financier, le QE devrait être l’outil de politique monétaire favori de la banque centrale pour soutenir l’activité économique et éviter une hausse des taux d’intérêt qui pourrait pénaliser la reprise qui devrait se dessiner à partir du deuxième semestre 2020.
Notre scénario de base repose sur une poursuite de la dépréciation de l’euro face au shekel. Rien n’indique que le supercycle baissier soit terminé. Nous assistons simplement à une pause liée à l’incertitude entourant l’évolution immédiate de la crise sanitaire et de la crise économique. Le sentiment de marché à l’égard de la monnaie israélienne est globalement positif. Les fonds spéculatifs sont positionnés à la vente sur la paire EUR/ILS et s’attendent à ce que le shekel poursuive son appréciation dans les mois à venir. La première cible à prendre en considération est le point bas annuel à 3,69 atteint mi-février.
Facteurs haussiers pour le shekel :
- L’excédent important du compte courant d’Israël.
- Les rentrées d’argent liées aux exportations de gaz naturel.
- Le différentiel d’activité économique entre la zone euro et Israël et le rebond plus marqué de la croissance en Israël attendu en 2021. La Banque d’Israël table sur une contraction de l’activité de -4,5 % cette année, alors qu’elle pourrait flirter avec -10 % en zone euro, et le rebond est attendu à +6,8 % l’an prochain - beaucoup plus qu’en zone euro.
Facteurs baissiers pour le shekel :
- Nouvelle vague du coronavirus.
- Fort rebond de l’aversion au risque, en lien avec les tensions sino-américaines ou les actuelles tensions entre l’Inde et la Chine.
- Différentiel d’activité économique favorable à la zone euro.
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