Jusqu’à récemment, le shekel israélien (ILS) a été parmi les devises mondiales affichant la plus forte performance depuis la crise financière de 2009. Mais c’est peut-être terminé. Le shekel israélien a perdu près de 8 % face au dollar américain depuis le début de l’année. La baisse est d’ampleur similaire à celle de la livre sterling face au dollar. Le repli du shekel traduit en réalité le renforcement généralisé du billet vert face à quasiment toutes les autres monnaies. Le risque de stagflation mondial (qui a été confirmé par les projections économiques de la Banque mondiale publiées en juin) combiné à une politique monétaire agressive aux Etats-Unis (certains économistes de renom appellent même à un cycle de durcissement similaire à celui mis en place au début des années 1980 par le président de la Réserve Fédérale Paul Volcker) ont abouti à une appréciation du dollar américain. Pour la première fois depuis des années, le shekel pourrait terminer en baisse face au dollar. Mais la donne est différente face à l’euro. Depuis le début de l’année, la paire EUR/ILS est quasiment stable (+ 0,8%), évoluant ces dernières semaines autour de la borne des 3,46-3,56. Nous pensons que le shekel pourrait finir l’année en hausse face à l’euro. Deux facteurs principaux plaident pour une hausse de la devise israélienne :
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Le marché monétaire surestime le rythme d’appréciation des taux par la Banque Centrale Européenne. Il est probable qu’elle adopte une stratégie des petits pas, avec plusieurs hausses consécutives de seulement 25 points de base à partir de juillet prochain. En raison du ralentissement économique prononcé dans plusieurs pays de la zone euro (certains pays font même face à un risque de récession technique, comme la France), le cycle de hausse des taux en zone euro pourrait être plus court que prévu par le consensus et induire moins de hausses de taux que prévu.
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À l’inverse, la Banque d’Israël a engagé un cycle de durcissement monétaire plus agressif afin de combattre des pressions inflationnistes qui devraient se renforcer (hausse des prix de 4 % sur un an en avril) et qui sont liées à la fois à des problèmes d’offre mais aussi à une bulle immobilière inquiétante (hausse de 12 % des prix immobiliers sur un an). De 2014 à avril dernier, le taux directeur est resté proche ou inférieur à 0,25 %. Il est actuellement à 0,75 %. Ce n’est qu’un début. Nous anticipons que la banque centrale israélienne va augmenter son taux directeur de 40 points de base supplémentaires début juillet. Puis trois hausses de taux d’environ 30 points de base chacune devraient avoir lieu par la suite. Il est probable que le cycle de durcissement monétaire se poursuive en 2023, avec des hausses d’ampleur plus limitées toutefois. Alors qu’en Europe, le ralentissement de la croissance économique constitue un sujet d’inquiétude important pour la deuxième partie de l’année, ce n’est pas le cas en Israël (la prévision de croissance de l’OCDE est à 3 %, ce qui est tout à fait honorable). Cela offre une plus grande latitude à la banque centrale israélienne pour augmenter les taux.
Le différentiel de politique monétaire entre Israël et la zone euro devrait logiquement apporter un soutien bienvenu à la monnaie israélienne. La Banque d’Israël devrait voir d’un œil positif l’appréciation du shekel car cela va permettre d’atténuer une partie de la hausse des prix qui résulte des problèmes d’offre (essentiellement les matières premières et les denrées alimentaires qui sont importées). Par ricochet, un shekel plus fort devrait aussi limiter la nécessité que la politique monétaire israélienne soit trop restrictive (ce qui pourrait poser, à un certain stade, un problème pour le marché de l’immobilier local où les prix ont fortement gonflé ces dernières années).
Si nécessaire, la banque centrale israélienne possède aussi un trésor de guerre pour intervenir sur le marché des changes (environ 200 milliards de dollars de réserves de change). Beaucoup de banques centrales ont pour coutume d’utiliser leurs réserves afin de soutenir ou de faire baisser leur monnaie (c’est le cas de la Banque Nationale Suisse ou de la Banque du Japon, en particulier). La Banque d’Israël l’a fait régulièrement jusqu’en 2021 pour faire baisser le taux de change du shekel israélien (et donc soutenir les exportations qui représentent un tiers du PIB israélien). Elle pourrait tout à fait avoir une approche différente à l’avenir en cherchant à acheter du shekel sur le marché et à vendre des euros et des dollars. Cela permettrait de soutenir le taux de change de la monnaie israélienne et donc de réduire l’inflation importée. C’est une stratégie qui est étudiée par la Banque Nationale Suisse actuellement. Ce sera peut-être le cas pour Israël si l’inflation continue d’être un casse-tête dans les mois à venir.
Notre prévision FX pour l’EUR/ILS à moyen terme : 3,44 d’ici la fin d’année contre 3,56 début juin. Une baisse sous le niveau de support situé à 3,44 (qui fait office de support majeur pour la paire depuis plus de dix ans) a peu de chances d’être enfoncé. Il faudrait d’importants remous sur le marché des changes, ce qui n’est clairement pas notre scénario central, à ce stade.
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