Eté rime souvent avec faible volatilité sur le marché des changes. Si on s’attarde sur l’évolution des principales paires de devises sur les cinq dernières séances, on constate que la fourchette de fluctuations reste très faible : de l’ordre de 100 points pour l’EUR/USD, de 150 points pour l’EUR/JPY et de près de 200 points pour l’EUR/CAD. Nous n’avons pas renoué avec l’anomalie de marché que représentait la très faible volatilité de fin 2019 mais on peut dire que le marché est entré en période estivale.
Cela ne signifie pas que les risques aient disparu, loin de là, mais pour l’instant le marché n’y prête pas attention. Ces risques sont nombreux. Citons-en quelques-uns : les tensions persistantes entre l’Inde et la Chine qui ont conduit New Delhi à adopter une politique protectionniste à l’égard des entreprises chinoises, les tensions concernant Hong Kong qui impliquent une myriade d’acteurs, de la Chine en passant par l’Europe et les États-Unis, et enfin le regain de tensions entre la Turquie et l’UE concernant l’intrusion de l’armée turque dans les eaux territoriales chypriotes.
En fait, l’absence de réaction du marché des changes s’explique essentiellement par l’afflux de liquidité banque centrale depuis près de trois mois qui a anesthésié les opérateurs de marché. Tant que les banques centrales confirment qu’elles se tiennent prêtes à agir, la perception du risque diminue. Il est indéniable qu’elles ont parfaitement rempli leur mission jusqu’à présent, ce qui a conduit à une explosion de leur bilan. Ainsi, le bilan de la Banque d’Angleterre (BoE) en pourcentage du PIB est le plus élevé depuis… 1700. Celui de la Banque centrale européenne (BCE) représente désormais 50 % du PIB de la zone euro et devrait grimper à 61 % d’ici la fin de l’année. Le Japon tient le record avec une banque centrale dont le bilan est déjà à 117 % du PIB de l’archipel et devrait atteindre 125 % d’ici la fin de l’année.
L’action des banques centrales a permis d’éviter une crise de liquidité, et de sombrer dans un scénario comparable à celui de la crise de 2007-08. Cependant, il n’est pas certain qu’elles puissent faire grand-chose face à la seconde vague économique qui arrive et risque de chahuter les marchés financiers, y compris le marché des changes, au plus tard à la rentrée.
Ces facteurs d’instabilité et de volatilité sont nombreux, parmi lesquels :
- Les faillites d’entreprises qui vont se concrétiser un peu partout, notamment dans les pays d’Europe du Sud, très fortement exposés au tourisme (parfois jusqu’à 20 % du PIB en contribution directe), ce qui peut induire à moyen terme une nouvelle divergence économique entre le Sud et le Nord de l’Europe qui serait défavorable à l’euro.
- Le risque de crise bancaire. L’un des anciens membres les plus éminents de la BCE, Viktor Constancio, l’a rappelé la semaine dernière : les banques vont faire face à une situation critique du fait de l’explosion des prêts non performants (prêts pour lesquels le paiement des intérêts a cessé depuis au moins 90 jours). On ne peut donc pas exclure, malgré les garde-fous mis en place après la crise de 2012 (en particulier le mécanisme d’union bancaire), qu’une nouvelle crise bancaire émerge en zone euro au deuxième semestre de cette année ou au plus tard début 2021.
- L’élection présidentielle américaine qui, jusqu’à présent, est un non-sujet pour le marché des changes risque de le devenir rapidement. Il est trop tôt pour avoir une idée quelconque du nom probable du vainqueur mais, une chose est certaine, qu’il s’agisse de Donald Trump ou de Joe Biden, cela se traduira par un regain de tensions inévitables avec la Chine.
Dans ces conditions, nous conservons un biais baissier sur l’EUR/USD à moyen terme, avec comme première cible le seuil psychologique situé à 1,10 qui a déjà été enfoncé à quatre reprises depuis le début de l’année. En cas de franchissement de ce niveau, on peut s’attendre à une accélération de la baisse en direction des 1,08.
Calendrier économique :
DATE | DEVISE | ÉVÉNEMENT |
---|---|---|
Cette semaine | EUR |
Présentation d’un compromis sur le plan de relance européen « Next Generation EU » |
6 juillet | USD |
Indice PMI non manufacturier pour le mois de juin aux États-Unis |
7 juillet | USD |
Rapport JOLTS sur l’emploi américain pour le mois de mai |
10 juillet | USD |
Prix à la production aux États-Unis en juin |
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