La semaine passée, l’euro a dépassé le seuil symbolique situé à 1,10 dollar pour un euro. Ce niveau de résistance avait été effleuré à plusieurs reprises récemment, sans être franchi durablement. La bonne surprise du plan de relance de la Commission européenne, pour un montant supérieur aux attentes de 750 milliards d’euros, a été un élément décisif pour améliorer le sentiment à l’égard de la monnaie unique.
Cependant, le rebond reste de faible amplitude et rien ne permet à ce stade de considérer que l’enthousiasme initial lié au plan de relance européen ne s’évanouisse pas rapidement, une fois qu’on aura compris qu’il a de fortes chances d’être revu à la baisse.
Budget européen
Deux problèmes apparaissent rapidement. Premièrement, les questions budgétaires au niveau européen nécessitent un accord unanime des pays membres et même si les représentants du « club des radins » (Suède, Autriche, Pays-Bas et Danemark) n’ont pas rejeté en bloc la proposition de la Commission, pour obtenir leur aval final, il faudra certainement faire des concessions (revoir à la baisse le montant total, inclure un dispositif de contrôle budgétaire à l’égard des pays du Sud, etc.). Deuxièmement, le temps joue contre l’Europe. Les négociations politiques qui s’ouvrent vont durer au moins jusqu’en juillet, dans le meilleur des cas, voire jusqu’à l’automne, à en croire la chancelière Angela Merkel. De longues négociations constituent un mauvais signal et soulignent la difficulté de l’Europe à avancer rapidement en période de crise. Alors que l’UE discute de son premier plan de relance, Singapour a dévoilé la semaine dernière son quatrième plan de relance !
Il est évident que plus l’Europe tardera à agir et à injecter des milliards pour soutenir les économies les plus en difficulté, plus la reprise sera lente, et plus cela sera un facteur pénalisant pour le taux de change de l’euro à long terme.
Risque géopolitique
L’autre facteur qui pourrait aussi peser sur l’euro est le risque géopolitique qui ne cesse de s’intensifier. Nous vous en parlions dans notre analyse de lundi dernier. Depuis, les tensions sino-américaines n’ont fait que d’augmenter, avec comme focus la situation de Hong Kong. Le gouvernement américain a révoqué le statut commercial préférentiel accordé à Hong Kong du fait de la perte de son autonomie. Réplique immédiate de la Chine : il s’agit de la décision « la plus barbare, la plus déraisonnable et la plus éhontée ». Jusqu’à présent, le marché des changes a assez peu réagi, certainement du fait de l’attention forte portée à la crise du coronavirus. Mais si, comme on peut le craindre, les tensions se déportent vers Taïwan, cela constituerait une escalade importante entre Washington et Pékin qui aboutirait à un repli rapide sur les valeurs refuges (dollar américain et yen japonais en priorité). À l’approche de l’été, notre scénario noir est qu’on assiste à une escalade brutale des tensions géopolitiques – ce qui n’est pas rare pendant les mois de juillet et août lorsque les volumes sont au plus bas – pouvant inciter la Chine à laisser filer davantage le taux de change du yuan entraînant ainsi des répercussions massives sur le marché des changes.
Politiques des banques centrales
À plus court terme, l’attention des opérateurs du marché des devises va se focaliser dans les prochains jours de nouveau sur les banques centrales. La Banque du Canada devrait maintenir sa politique monétaire inchangée. De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) devrait annoncer ce jeudi un renforcement de son dispositif de soutien à l’économie. Nous nous attendons à ce que le programme d’achats d’urgence face à la pandémie, initialement de 750 milliards d’euros, soit augmenté de 500 milliards d’euros à 1250 milliards d’euros afin que la BCE soit en mesure d’absorber l’intégralité de la nouvelle dette souveraine émise pour faire face aux dépenses liées au coronavirus. Il est également probable que la durée du programme soit portée de fin 2020 à mi-2021. Une annonce dans ce sens est déjà intégrée dans les taux de change du marché.
Toute mesure qui n’est pas attendue et qui serait annoncée, par exemple au niveau de la fourniture du crédit aux banques, pourrait en revanche induire un regain de volatilité sur les paires en EUR jeudi après-midi.
Calendrier économique :
DATE | DEVISE | ÉVÉNEMENT |
---|---|---|
1er juin | USD |
ISM manufacturier américain |
3 juin | USD |
Enquête ADP sur l’emploi privé aux États-Unis |
3 juin | CAD |
Réunion de la banque centrale du Canada |
4 juin | EUR |
Réunion de la banque centrale européenne |
6 juin | USD |
Rapport sur l’emploi américain (NFP) |
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