L’effondrement de pans entiers de l’économie n’a pas eu lieu. En France, les faillites d’entreprises sont à leur point bas. Le nombre d’entreprises ayant fait faillite s’élève à 28 160 en juillet dernier en cumulé sur les douze mois précédents. Le nombre de faillites était à plus de 47 000 avant le premier confinement du printemps 2020. La situation est identique dans la plupart des pays européens. L’économie a été temporairement mise sous cloche.
Les Etats ont massivement soutenu les entreprises, ce qui leur a permis de sauvegarder leurs taux de marge, de contenir les flux de nouvelle dette, de continuer à investir et d’avoir une trésorerie solide. Des mesures de sauvegarde de l’emploi et de chômage partiel s’inspirant du Kurzarbeit allemand ont été rapidement instaurées. Contrairement à la crise de 2007-2008, la pandémie n’a pas abouti à une destruction durable de capital humain.
Pour autant, l’horizon n’est pas complètement dégagé pour les entreprises européennes. Les risques sont généralement nombreux en sortie de crise. Les prochains mois pourraient s’avérer plus compliqués qu’initialement prévus.
- Le pic de croissance est derrière nous
Les enquêtes d’opinion menées auprès des chefs d’entreprise dans la plupart des pays européens montrent que le pic de croissance a été atteint au tournant de l’été, en juin en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, en juillet en Italie par exemple. Le ralentissement de l’activité économique est contenu, pour l’instant. Mais l’hypothèse d’une croissance durablement forte, en 2022 et au-delà, est de moins en moins probable. La plupart des pays semblent renouer avec un rythme de croissance moyen similaire ou légèrement supérieur à celui d’avant-crise. C’est normal. Les interventions des Etats et des banques centrales ont permis de préserver l’appareil productif. Pour autant, il n’y a pas eu de gains de productivité. La croissance potentielle, c’est-à-dire le niveau de croissance atteignable en cas d’utilisation optimale des capacités de production, n’a pas augmenté. Elle se situe proche de 1,5 % en France et de 2 % en Allemagne. Cela signifie que le rythme de croissance va progressivement renouer avec son niveau d’avant pandémie en Europe.
Après la grippe espagnole de 1918, les pays développés avaient connu une décennie enchantée marquée par des gains de productivité importants et le développement de nombreuses innovations (radio, automobile etc…). Ce ne sera vraisemblablement pas le cas cette fois-ci.
- Pénurie, hausse des prix et goulots d’étranglement
La période économique actuelle est accompagnée d’un florilège de hausses de coûts (énergie, matières premières en particulier) qui vont fragiliser les entreprises.
Les prix de l’électricité sur le marché spot, qui sont un indicateur fiable du coût marginal de production, ont doublé en l’espace de quatre mois. Le coût du transport international est toujours élevé. Des biens intermédiaires font face à une pénurie, comme les semi-conducteurs dont la production est concentrée à 80 % en Asie. Les difficultés d’approvisionnement ont conduit certaines entreprises à ralentir ou stopper la production. L’usine Opel d’Eisenach (Allemagne) est fermée jusqu’à début 2022. La production d’automobiles outre-Rhin a chuté de 17,5 % en août sur un mois. Ces problèmes sont conjoncturels. Mais il faudra attendre plusieurs trimestres, voire un ou deux ans dans le cas des semi-conducteurs, pour un retour à la normale. Les capacités de production ont été durablement affaiblies par les périodes successives de confinement et la politique « zéro Covid » adoptée par plusieurs pays asiatiques.
Les coûts supplémentaires qui en résultent aboutissent à une baisse de la trésorerie des entreprises. En parallèle, la dette contractée pendant la période de la pandémie subsiste. Des entreprises vont être en difficulté. Certaines pourraient même être confrontées à des problèmes d’insolvabilité, dans les secteurs les plus en tension.
- Le retour de la volatilité sur les devises
L’accroissement de la volatilité des taux de change est un risque supplémentaire auquel vont être confrontées les entreprises. Un environnement macroéconomique plus incertain, marqué par une hausse des prix, conduit généralement à un accroissement de la volatilité. A l’exception des paires émergentes qui font face à des problématiques différentes, la volatilité sur les principales paires de devises a été réduite ces dernières années. Parmi les explications avancées : les taux directeurs bas et les fortes interventions des banques centrales qui ont en quelque sorte anesthésié beaucoup de marchés financiers, dont le marché des changes.
Le retour de l’inflation change la donne. A court terme, la relation est ténue entre les différentiels d’inflation et les taux de change. A plus long terme, la relation est plus forte et les pays à inflation comparativement plus élevée que les autres ont tendance à subir une dépréciation de leurs taux de change nominaux. L’effet inflation domine par rapport à d’autres facteurs, comme les termes de l’échange, qui ont aussi un effet sur l’évolution des taux de change. Par conséquent, si l’inflation élevée subsiste plus longtemps que prévu, ce qui n’est pas impossible au regard de la trajectoire récente des prix, on peut craindre d’importants remous à venir sur les monnaies. Les trésoriers d’entreprise devront s’intéresser de très près dans les mois à venir aux bonnes stratégies de couverture du change afin de ne pas être pris aux dépourvus lorsque la volatilité s’intensifiera.
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