En fin d’année dernière, la Chine hésitait à soutenir massivement l’économie, de peur de commettre de nouveau les erreurs de 2009 (qui avaient conduit à un excès de liquidité dans l’économie alimentant une myriade de secteurs non productifs et favorisant l’émergence de bulles spéculatives, ici et là). Depuis, la situation a changé. La politique zéro Covid de la Chine, qui est parmi les plus strictes au monde, crée une pression intenable sur l’économie. Au deuxième trimestre, tout indique que l’économie chinoise est en contraction, ce que ne reconnaîtra jamais Pékin. Afin de permettre une reconduction aisée du président chinois Xi Jinping lors du XXème Congrès de cet automne, les autorités ont finalement décidé de soutenir massivement l’économie, via des baisses de fiscalité, un afflux de crédit et des subventions à tout-va. Les bonnes vieilles méthodes. Le gouvernement a annoncé diminuer de moitié la taxe sur l’achat d’une large sélection de véhicules pour le reste de l’année une subvention qui représente environ 60 milliards de yuans (soit 8 milliards d’euros). C’est l’équivalent de 0,1 % de la consommation totale annuelle des ménages chinois. Les banques étatiques ont également eu pour ordre de mettre à disposition des lignes de crédit destinées à financer les projets d’infrastructure pour un montant total de 800 milliards de yuans (soit 113 milliards d’euros). D’autres mesures vont être annoncées dans les semaines à venir. Mais ce n’est pas certain que cela suffira à stimuler l’économie. Les Chinois ont perdu confiance. Le marché immobilier résidentiel est à la traîne, par exemple. La baisse actuelle des prix devrait, logiquement, le relancer. Ce n’est pas ce qui se produit. Cela incite simplement les acheteurs potentiels à différer leur achat car ils considèrent que le dégonflement de la bulle immobilière ne fait que commencer.
Des objectifs contradictoires :
La relance de l’économie ne sera pas aisée, particulièrement pour la Banque populaire de Chine. Elle fait face à des objectifs contradictoires : soutenir l’économie (essentiellement via le crédit) tout en cherchant à dégonfler les bulles qui n’ont cessé de croître depuis 2009 dans des pans entiers de l’économie. C’est impossible de tout faire à la fois. Beaucoup d’économistes considèrent que les difficultés de l’économie chinoise sont liées à la Covid et à la politique sanitaire mise en place. C’est faux. Une grande partie des difficultés actuelles résulte du programme de soutien à l’économie de 4000 milliards de yuans dégainé par Pékin en 2009 (soit 56 milliards d’euros au taux de change actuel). C’était nécessaire à l’époque. Cela a permis de sauver l’économie mondiale et d’éviter que la récession ne soit plus prolongée. Mais cela a affaibli structurellement l’économie chinoise. La Covid a simplement servi d’accélérateur. Il est toujours aisé de refaire l’histoire (c’est le propre des économistes). On peut toutefois douter que cela aurait vraiment changé la donne si Pékin avait accéléré l’ouverture de l’économie ces dernières années (en privilégiant plus de réformes favorables à la concurrence et au secteur privé). Deux écoles s’opposent en Chine. D’abord, il y a ceux qui considèrent qu’il faut revenir à un modèle où l'État occupe une place plus importante dans la direction de l’économie (revenir à ce qui existait avant 2015, pour faire simple). Cela pourrait permettre de nouveau de renouer avec une croissance annuelle de 4-6 %. À rebours, il y a les réalistes qui considèrent qu’un atterrissage en douceur ou brutal de l’économie est inévitable et qu’il faut créer les conditions nécessaires pour que celui-ci soit le moins douloureux possible. C’est, malheureusement, la première école qui semble avoir la main à Pékin en ce moment .
Les implications pour l’EUR/CNH :
Cela risque d’entraîner des conséquences importantes pour le marché monétaire. En fin d’année dernière, les autorités ont privilégié une hausse de la monnaie chinoise afin de limiter le coût des importations énergétiques (comme ici, en Europe, la Chine a fait les frais de la hausse des matières premières énergétiques et des pénuries cet hiver). Le pays est très dépendant de l’extérieur pour son approvisionnement, en outre (60 % de la consommation du pétrole et 40 % de celle du gaz sont importés). Pékin a désormais réussi à sécuriser un approvisionnement à bon prix de la part de la Russie, un rapprochement qui s’est intensifié suite à la guerre en Ukraine. La Chine a signé des contrats d’approvisionnement en gaz pour une durée de vingt-cinq ans avec Moscou, tout cela devant transiter par un nouveau gazoduc, Siberia 2, par exemple (qui vient compléter l’offre fournie par le gazoduc Power of Siberia). La politique du yuan fort ne fait plus sens dans ces conditions. Ce n’est plus une nécessité.
La priorité accordée au retour de la croissance, quitte à alimenter une bulle de crédit, fait craindre que la Chine n’use de nouveau de l’arme monétaire. Il est peu probable que nous assistions à une dévaluation massive du yuan dans les mois à venir comme ce fut le cas à l’été 2015. Les conditions macroéconomiques ne sont pas les mêmes. En revanche, il est probable que le yuan se déprécie lentement dans les mois à venir afin de relancer le secteur des exportations (qui contribue à hauteur de 17 % au PIB). Cela soutiendra le secteur manufacturier qui a beaucoup souffert des confinements successifs. Les bonnes vieilles méthodes, encore une fois. Le processus est déjà enclenché. Depuis son point bas annuel atteint à 6,89 au début du mois de mars, l’EUR/CNH a augmenté de 3,38 %. Ce n’est certainement pas uniquement lié aux anticipations de durcissement de la politique monétaire par la Banque Centrale Européenne (qui ont exercé une influence sur les changes à partir de mi-mai seulement). Il y a de forts soupçons que la Chine cherche désormais à relancer son économie en utilisant l’arme du taux de change. Les autres pays (particulièrement les Etats-Unis qui regardent toujours d’un mauvais œil la manipulation des taux de change) pourraient laisser faire, pour le moment. Ils ont besoin d’une monnaie forte pour limiter l’inflation importée. À l’inverse, l’inflation n’est pas vraiment un sujet en Chine (l’indice des prix à la consommation a atteint 1,9 % sur un an en avril). Le sujet, c’est la croissance. Nous savons tous qu’une monnaie faible permet de stimuler les exportations. Nous prévoyons que l’EUR/CNH puisse rallier les 7,40 d’ici la fin du troisième trimestre (contre 7,12 actuellement). Cela représenterait une baisse du CNH de l’ordre de 4,0 %.
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