Les indicateurs clés pour piloter son entreprise à l’international

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Se lancer à l’export, s’y implanter, se déployer : chacune de ces situations nécessite de disposer d’un tableau de bord adapté. Quels paramètres prendre en compte ? Quelle influence sur la structuration et l’organisation de l’entreprise ? Tour d’horizon avec Arnaud Caudoux, directeur général adjoint de Bpifrance, Marie Crevoisier, directrice financière des moteurs Baudoin, Ivo Mertens, Chief Revenue Officer chez iBanFirst et Xavier Lazarus, cofondateur de la société d'investissement Elaia.

 

Se lancer à l’international ? Un contexte pas si défavorable

« Aujourd’hui est un bon moment pour aller à l’export ». C’est ainsi qu’Arnaud Caudoux, directeur général adjoint Bpifrance a ouvert la table ronde : « il y a des éléments favorables, même dans le contexte mondial et géopolitique compliqué que nous connaissons. Il y a des zones de croissance plus importantes que l'Europe et nous disposons d’avantages liés à nos conditions de financement puisque les taux ont baissé et à la relative faiblesse de l'euro. Cela doit servir. »

 

Passer de mono-exportateur à primo-exportateur

Beaucoup de PME exportent sur une opportunité très ponctuellement et ne capitalisent pas sur ce qu'elles ont commencé à faire. Or la première vente est la plus difficile et le plus probable est qu’il y a du potentiel. Il faut capitaliser là-dessus. Comment ? Par un travail de fond en structure et en stratégie et Bpifrance est là pour accompagner l’entreprise. Celle-ci doit aussi penser l'export comme une extension de son réseau et donc s’appuyer sur des compétences dédiées, y compris en France, avec les chambres de commerce, Business France… Il faut ensuite penser continuité dans l'effort, force de vente et savoir à quel point on peut être porté en garantie, en assurance, en financement, afin de limiter le mieux possible le risque.

 

Contrôler le risque de change et la variabilité du cash-flow

« La volatilité sur les marchés de change est de retour, complètement et à des niveaux rares » a martelé Ivo Mertens. L’objectif est donc d’essayer de maîtriser ce risque en disposant d’une visibilité sur le cash-flow (ou flux de trésorerie), sur les types de cash-flow générés. Sans oublier la capacité à faire du netting, qui consiste à compenser les entrées et les sorties de devises dans le but de diminuer le nombre et le volume des transactions en devises.

Pour Marie Crevoisier, dont l’entreprise réalise 90% de son business à l'export, « l’exposition au risque de change est un des tous premiers paramètres à gérer. Pour le limiter et même essayer de l'optimiser ». Avec une compétence interne et des partenaires qui permettent de faire mieux et aussi d’éviter le pire comme l’a expliqué Xavier Lazarus. « Si le change est fait trop tôt, ou si le paiement intervient trop tard, cela peut entrainer en termes de variation de trésorerie un delta très supérieur au salaire pendant deux ans d'un très bon CFO et au coût de service d'une société comme iBanFirst. »

 

Le dirigeant et son CFO à l’export ? Un pilote avec son co-pilote

Xavier Lazarus a filé la métaphore de l’avion pour expliciter la complémentarité du duo dirigeant/direction financière dans une stratégie d’export. Ils les a décrit comme le pilote et co-pilote, ce dernier ayant une attention sur les détails, soit les indicateurs qui dépendent avant tout du business model. Ainsi pour celui qui repose sur des souscriptions ou des clients répétitifs, contrôler le coût d'acquisition des nouveaux clients par rapport à ce qu'ils rapportent, est le premier indicateur ; le second étant le taux de répétition des clients existants dans le réachat. Ces deux indicateurs permettent de vérifier à la fois l’EBITDA, les investissements et la croissance

 

Les indicateurs habituels sont perturbés par l’export


On voit régulièrement les entreprises saturer leur marché et donc pour l’étendre sans créer des nouveaux produits, partir sur un marché blanc : l'international. Ce qui perturbe les indicateurs : les premières ventes sont très chères, les produits doivent parfois être réadaptés. Mais l’export restant la meilleure façon de continuer à avoir un potentiel de croissance, les dirigeants doivent impérativement intégrer le cout d’acquisition client et les risques de non-paiement dans leur stratégie.

D’où deux impératifs : la connaissance pays et la connaissance client, et sur ces deux dimensions les entreprises gagneront beaucoup à s’appuyer sur des compétences externes dont les assureurs-crédit.

 

Intégrer les différences de culture : l’exemple de la Chine et de l’Inde

 

Selon les pays, selon le type de stratégie de produits, de niveaux d'export, l’entreprise va devoir soit s'installer, soit simplement exporter, soit faire des joint-venture, un dispositif pratique mais risqué comme la Chine a pu le démontrer, a souligné Arnaud Caudoux.

 

Car « c'est la bonne compréhension de la culture du pays, de la façon dont on y fait du business, qui est souvent le facteur clé » a partagé Ivo Merten. Ainsi il importe de savoir qu’en Inde la signature d’un contrat ne vaut pas engagement : « tant qu'il n’y a pas eu de paiement, le contrat ne vaut que comme le début d’un processus » a explicité Xavier Lazarus qui recommande en ce cas d’attendre l’acompte pour investir commercialement ou partager des licences ou du code source. « Ce n'est pas un problème de monnaie, ce n'est pas un problème de système financier, c'est un problème de compréhension culturelle. »

 

Et pour les pays plus faciles culturellement, il importe de distinguer entre épiphénomène météorologique et climat favorable. Des conditions de change favorables ne signifient pas qu’un produit est devenu meilleur, mais qu’il est devenu moins cher. Ce n’est donc pas un avantage durable.

 

Adapter son pilotage aux spécificités fiscales locales

Pour définir le rôle d’une implantation, le risque fiscal joue beaucoup : garder sa facturation client en France ou la transférer dans la filiale peut avoir des impacts de TVA en local ou de définition des prix de transfert avec la maison mère. C’est une dimension importante lorsque l’on étoffe sa surface internationale : ces éléments doivent être pris en compte dans un souci de conformité et d’opportunités comme l’a relevé Marie Crevoisier.

 

Le risque-pays : une veille à structurer

 

Tout évènement politique, économique, diplomatique, doit être suivi et analysé en regard de ses répercussions potentielles sur le business dans le pays concerné et plus largement dans sa zone d’influence. Cela peut aller des sujets commerciaux entre les US, l'Europe et la Chine à la visite du président de la République il y a quelques semaines au Maroc en passant par les annonces de l’UE. Cela impose de structurer « une veille dans chaque équipe, que ce soit au niveau de la finance, en crédit management, ou chez les vendeurs qui sont en charge des pays concernés », relate Marie Crevoisier. Si cela ne conduit pas à changer de stratégie du jour au lendemain, cela permet de se prémunir et d’anticiper. Outre cette compétence interne, l’apport de partenaires assureurs-crédit bancaires et bien sûr les bons outils est particulièrement requis.

 

Recrutement : comment gérer cet enjeu de la compétence du personnel ?

 

Aller à l’international ne signifie pas forcément une implantation physique. Cela suppose avant tout de s’appuyer sur des personnes qui connaissent très bien le marché local, qui sont du pays, qui connaissent aussi la culture, la manière de faire du business... même pour des pays proches comme l’Italie. Premier avantage : un business facilité et une aide indéniable à la gestion de sujets complexes et pourtant très quotidiens : les moyens de paiement, les lettres de crédit, les remises documentaires, etc.

 

Les recrutements faits doivent avoir une exigence marquée sur les langues parlées : évidemment l’anglais, une nécessité surtout si les interactions doivent se faire avec plusieurs nationalités. Ouverture d'esprit à l'autre, à d'autres cultures, capacité à travailler avec d'autres cultures : un profil qui maitrise plusieurs langues, c’est souvent la garantie d’une adéquation avec la dimension internationale de l’entreprise.
Le multiculturalisme ne doit pas être bloquant, mais bien au contraire aider à mieux travailler.

 

Ces échanges se sont déroulés lors de la seconde table ronde du Paris iBanFirst Summit 2024. Pour retrouver l’intégralité de ces échanges et les réponses aux questions des participants, visionnez le replay du Paris iBanFirst Summit 2024.

 

 

 

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