Avis de gros temps pour l’économie française

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Il n’y a pas de débat à avoir. L’inflation est le problème numéro un pour les entreprises. Selon le sondage de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) publié le 6 avril dernier, la hausse des prix de l’énergie et du carburant est le principal sujet de préoccupation, devant les difficultés d’approvisionnement et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Plus d’un tiers des chefs d’entreprise interrogés estiment que cela remet en cause leur modèle économique. Pire, près d’un sur cinq se pose même la question du maintien de son activité ! C’est inquiétant.

À quoi faut-il s’attendre dans les mois à venir ? Nous avons demandé à notre économiste maison son avis :

« Tout porte à croire que ce n’est que le début. La France a été épargnée dans un premier temps par la vague inflationniste, en particulier grâce à notre mix énergétique basé sur le nucléaire (environ 70 % de la production d’électricité).

Mais celle-ci nous rattrape. En mars, l’indice des prix à la consommation a atteint 5,1 % sur un an. Il y a un an de cela, l’inflation était à 1,1 %. Nous risquons de grimper facilement vers les 7 % dans les mois à venir. Au niveau des prix à la production, c’est encore pire. La hausse est de 22 % sur un an selon les dernières données du mois de février. On a tendance à croire que les entreprises peuvent répercuter ces hausses sur les consommateurs et/ou les sous-traitants. C’est possible quand nous avons une progression de l’inflation plus faible. C’est impensable à de tels niveaux. Il n’y a pas de solution clé en main pour faire face à l’inflation. Les entreprises ont depuis longtemps perdu la gestion de l’inflation.
S’ajoute à cela une incertitude quant à la réaction des consommateurs. Comment vont-ils réagir face à la hausse généralisée et durable des prix alors que pour la plupart ils n'ont jamais connu une telle situation ?

Il faut remonter à 1985 pour connaître de tels niveaux d’inflation. À moyen terme, la probabilité est élevée que la consommation diminue fortement et que les entreprises soient obligées de rogner sur les marges, de revoir les perspectives d’investissement et d’embauche à la baisse également. On est loin du scénario des Dix Glorieuses que certains annonçaient à la sortie du dernier confinement (en référence à la période de forte croissance qui avait suivi la grippe espagnole dans les années 1920) ».

Outre l’inflation, les entreprises françaises font face à d’autres problèmes :

Les difficultés d'approvisionnement subsistent. La pénurie de microprocesseurs et de lithium (métal essentiel dans le cadre de la transition énergétique, notamment pour le secteur automobile) pourrait perdurer au moins jusqu’en 2023. Les prix du cuivre sont également proches des points hauts historiques. Cela s’explique à la fois par des raisons structurelles (électrification des économies qui accroît la demande et stocks au plus bas) et conjoncturelles (manifestations au Pérou, un des principaux producteurs, qui paralyse près de 20 % des exportations de cuivre du pays). C’est, peu ou prou, pareil pour les autres matières premières.

La progression des coûts du transport international va perdurer, notamment en raison d’un manque de conteneurs et des conséquences de la politique zéro Covid en Chine (voir notre article sur le sujet en date du 30 mars dernier).

La trésorerie des entreprises se dégrade rapidement à cause de la hausse généralisée des intrants et de la fin des différés d’amortissement des prêts garantis par l’État. Pour la première fois depuis novembre 2020, les trésoriers jugeant la situation difficile sont plus nombreux que ceux qui l’estiment aisée (enquête Rexecode d’avril 2022).

La volatilité des taux de change pourrait fortement rebondir. Plusieurs pays (Suisse et Japon en particulier) s’inquiètent de la forte remontée du dollar américain. Le Dollar Index, qui montre la force et la faiblesse du billet vert face à un panier de devises clés, est en hausse de 5,4 % depuis le début de l’année. Ce n’est certainement que le début. Le dollar devrait continuer de se renforcer, aidé par la perspective d’une politique monétaire plus restrictive aux Etats-Unis. Mais cela risque d’inciter certains pays à intervenir directement sur les taux de change pour soutenir leur monnaie. Les pays les plus susceptibles d’intervenir massivement sont : la Suisse (qui le fait déjà pour la paire EUR/CHF), le Japon (qui pourrait intervenir d’ici peu) et plusieurs pays émergents (Pakistan, Brésil, Taïwan etc.). Nous émettons aussi une alerte pour la monnaie chinoise. Selon nos calculs, le taux de change effectif de la devise chinoise (qui correspond à la somme pondérée des taux de change avec les différents partenaires commerciaux et concurrents) est à un niveau record depuis la pandémie. L’économie chinoise est en difficulté. Plusieurs zones économiques stratégiques, représentant environ 40 % du PIB chinois, subissent des mesures de contrôle strict de la Covid. Pour soutenir son économie, Pékin pourrait décider d’intervenir agressivement en dévaluant sa monnaie.

C’est une possibilité qui est de plus en plus évoquée dans les salles de marché des grandes banques. Il convient donc d’être vigilant dans les prochaines semaines concernant d’éventuels mouvements erratiques sur les taux de change qui pourraient venir s’ajouter aux difficultés préexistantes que rencontrent déjà les entreprises. D’où la nécessité d’adapter sa stratégie de couverture de change en prenant en compte ces risques.

Et à plus long terme ? 

On peut parier qu’une fois que le gouvernement aura compris que l’inflation n’est pas temporaire, mais en grande partie structurelle, il va revoir sa copie et mettre en place des mesures pérennes pour aider les entreprises et les consommateurs à faire face à l’envolée généralisée des prix. Notre certitude chez iBanFirst, c’est qu’il va falloir apprendre à vivre dans les années à venir avec une inflation tendanciellement plus élevée qu’elle ne le fut au cours des trente dernières années. C’est un changement de paradigme complet. Cela va obliger les entreprises, probablement dans tous les secteurs d’activité, à revoir leur modèle économique et à faire la chasse aux gaspillages afin de trouver des marges de manœuvre budgétaires immédiates.


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